Art-thérapeute, danseuse et comédienne, elle parle d’amour et de foi dans son spectacle « Le Fruit de nos entrailles ». Itinéraire d’une voyageuse entre terre et ciel.

Évoquer les choix profonds de la vie par la danse, la comédie, le sketch clownesque, c’est le pari réussi de Sophie Galitzine. Dans son premier spectacle d’auteur-interprète, Je danserai pour toi, elle a raconté sa jeunesse tumultueuse et sa conversion. Créé en 2016, ce « seule en scène » très apprécié va être repris cet été au Festival d’Avignon (du 6 au 21 juillet à la chapelle de l’Oratoire). Depuis, Sophie Galitzine a créé un nouveau spectacle, Le Fruit de nos entrailles, à l’affiche actuellement au Théâtre Essaïon, où il remporte un joli succès. Elle revient cette fois-ci avec un partenaire, Fitzgerald Berthon, puisque Le Fruit de nos entrailles est l’histoire d’un mariage. Des fiançailles à la vieillesse. Un mariage chrétien, qui prend au sérieux l’engagement devant Dieu de traverser la vie – et Dieu sait, justement, que ce n’est pas toujours rose.

Ce bref spectacle allie un lyrisme fervent et un humour tonique à une vision spirituelle profonde. Un tourbillon léger autour du mystère de l’alliance irrévocable. Pourtant, si vous demandez à Sophie Galitzine quel est son métier, elle ne vous répondra pas comédienne ou danseuse, mais art-thérapeute. Elle soigne les blessures ou le mal-être par la pratique artistique.

« L’art-thérapie construit des ponts entre la créativité, la psyché, la mémoire. On prend en compte toute la personne. On revisite son histoire par le théâtre, le dessin, le travail sur le couple », explique- t-elle. Elle en est l’exemple vivant : ses spectacles très personnels, « autobiographiques mais non pas narcissiques », précise-t-elle, sont un bel aboutissement d’un parcours mouvementé.

« J’ai grandi dans un monde d’adultes » Elle a eu très tôt, et très spontanément, le goût du spectacle, cette petite Parisienne née en 1978 dans un milieu privilégié, d’un père orthodoxe au patronyme illustre, directeur d’un golf, et d’une mère catholique, qui divorcent quand elle est encore petite. « Je n’ai pas eu beaucoup de cadres, dit-elle. J’ai grandi dans un monde d’adultes, un peu à la diable, sans protection. Longtemps j’ai été très dépendante affectivement, trop fusionnelle dans mes relations. Encore maintenant, je veille à ne pas laisser capter ma liberté. »

Enfant, elle adorait se déguiser, se transformer, inventer plein de petits spectacles. « Je ne suis pas une technicienne de la danse, mais je danse naturellement depuis toujours. À 10 ans, je faisais des chorégraphies sur des chansons de Madonna. Et puis j’ai été coupée dans mon élan par des réflexions critiques d’adultes sur la séduction. C’est vrai que ça va vite, d’être dans la séduction. »

Adolescente, elle se tourne vers le théâtre, suit des cours avec un professeur qui abusera d’elle, joue dans des pièces de boulevard. « J’avais ma compagnie, je gagnais ma vie. Une vie dont je faisais un peu n’importe quoi. Mais j’ai été vite lasse d’être avec des acteurs névrosés – moi la première… »

Chercheuse insatisfaite et toujours en mouvement, elle commence à s’intéresser à l’artthérapie grâce à une amie africaine qui l’emmène à des séances de guérison par le théâtre et la danse, s’intéresse à l’ethno-psychanalyse et passe un DE de psychiatrie transculturelle sous la direction de Marie-Rose Moro. À l’époque, célibataire aventureuse, elle voyage beaucoup, en Afrique puis en Inde.

« Un équilibre intime »

« Après la mort de mon père, en  2005, j’ai éprouvé le besoin de communiquer avec lui. À la fac, j’avais suivi les séances un peu médiumniques d’une chamane, et dans un parc, en France, j’avais eu une expérience mystique face à une statue du dieu néléphant Ganesh. Tout cela m’a conduite en Inde, en 2007 et là, bizarrement, je tombe sur un jeune Français qui me parle de Jésus. Soudain, j’ai eu l’impression de revenir à la maison. Je m’adressais à Quelqu’un. Les spiritualités orientales apaisent le mental mais n’ouvrent pas à une Présence. J’avais été baptisée dans la foi catholique de ma mère, mais j’étais plutôt sans foi ni loi : j’ai tendance à être assez critique et moqueuse. » À 30 ans, en 2008, elle vit une conversion profonde au Christ et songe même à entrer au monastère. La vie lui réserve une autre place. À Saint-Gervais, dans la fraternité monastique de Jérusalem, elle rencontre celui qui va devenir son mari et le père de leurs deux enfants.

« J’ai longtemps cherché la sagesse à l’extérieur, dit-elle. J’adorais courir à droite et à gauche.

Aujourd’hui, je me suis posée. Je suis comme Charles de Foucauld qui disait que son plus grand voyage, c’est l’oraison, ce voyage de l’âme. En me tournant vers l’intérieur, je vois qu’il y a une fécondité dans les épreuves que j’ai vécues. J’ai revisité mon histoire et appris à me rebâtir affectivement, à habiter la vie sans retourner les choses contre moi-même. “Tant qu’on ne s’aime pas, on est un danger pour les autres”, a écrit Christiane Singer. C’est le sens de ma pratique professionnelle. Ne pas se maltraiter. Je pense que la vérité est dans un équilibre intime de la personne à tous les niveaux, corps, esprit et coeur. On est sur terre : on a besoin d’incarnation. » Pour écrire ses spectacles, elle s’est beaucoup inspirée de la théologie du corps de Jean-Paul II, qui la passionne. Était-ce un long travail d’écriture ?

« En fait, j’écris directement sur le plateau. Je ne suis jamais assise à une table. Je capte des idées et des images, dans leur fraîcheur. Je ne me suis pas dit que j’allais donner un témoignage, mais je sentais une urgence à exprimer ce que je vivais. » Le spectacle n’a pas fini sa course : il devrait prochainement rebondir en livre, puis en film. Voilà un mariage fécond.

Source: lefigaro.fr